Zoom sur la surveillance au travail
Avec un usage du télétravail massif depuis ces derniers mois, et des confinements répétés, il peut être plus difficile pour les employeurs de savoir comment travaillent leurs salariés. De quoi leur donner envie de mettre en place des outils de surveillance, comme le révèle une récente enquête réalisée par GetApp dans laquelle on peut lire que 45% des salariés français en télétravail seraient surveillés par leur employeur via un outil de contrôle.
Une pratique pas née d’aujourd’hui, accélérée par de nouvelles méthodes de travail, mais qui n’est pas sans risque.
Une pratique encadrée
Thierry Meillat, avocat spécialisé en droit social, associé chez Hogan Lovells, le rappelle “tout système de contrôle des salariés doit faire l’objet d’une consultation des représentants du personnel, et donc du CSE (comité social et économique, ndlr) quand il y en a un”. De plus “Les salariés doivent aussi être informés préalablement à la mise en place de tels dispositifs” et “les mesures de contrôle doivent être proportionnées au but recherché et respecter la vie privée des salariés”. En effet, en France, le respect de la vie privée et des données personnelles des salariés est encadré par deux textes : le code du travail, qui garantit la protection des données personnelles dans le cadre du travail et le règlement général sur la protection des données (RGPD). Surveiller son employé sans respecter ces règles peut donc coûter cher : un an d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende. Thierry Meillat note que, “De manière générale, les employeurs français optent plutôt pour des moyens de contrôle qui fonctionnent par de l'auto-déclaratif".
Un héritage d’une culture dépassée
Pour Laëtitia Vitaud, experte du monde du travail et des ressources humaines, surveiller ses employés n’est pas un phénomène nouveau. Elle nous invite, dans une interview accordée à l’ADN à revenir en arrière. Pour cette experte, “C’est l’héritage d’une culture de la domination de certaines catégories de la population sur d’autres”. Une pratique qui n’est pas sans risque puisque “Partir du principe que les gens ne sont pas fiables ni autonomes ne leur donnera pas l’envie de l’être” et que “Les surveiller, c’est prendre le risque qu’ils trouvent des astuces pour contourner le système”. Aujourd’hui l’objectif est clair : il faut mettre en place des garde-fous en termes de protection des données et permettre aux personnes de séparer vie personnelle et professionnelle, “un luxe que ne peuvent pas se permettre les personnes les plus démunies” pour Laetitia Vitaud. Un sujet qui va donc bien au-delà de la protection des données et qui concerne le droit du travail, le RGPD et le CNIL.
Crédit photo
Lianhao Qu
Sources
L’ADN
CAPITAL.FR