Retour à l'essentiel, avec Thomas Camboulive
Co-fondateur de Farmr, premier réseau social agricole créé il y a près de 2 ans et demi, Thomas Camboulive, ancien chef de projet, lie avec intelligence et sensibilité modernité et tradition. Avec lui, nous revenons sur la nécessité de revenir à l’essentiel : l’agriculture de notre pays, et sur l’importance de vivre avec son temps : celui de l’ultra connexion.
Merci à lui !
VERSION ÉCRITE
Hello Thomas, peux-tu te présenter ?
Thomas, 30 ans. J’ai créé Farmr il y a deux ans maintenant, avec Baptiste mon copain d’école de commerce, et cela fait un an que ce projet est sorti. Farmr, c’est le premier réseau social agricole, qui permet aux agriculteurs de se connecter entre eux, en fonction de leurs secteurs d’activité et d’échanger leurs quotidiens, leurs pratiques, du matériel, toute sorte de choses pour améliorer leur quotidien.
Comment vis-tu cette période d’un point de vue personnelle ?
Je trouve ça super chouette ! Heureux papa depuis quelques mois, cela me permet de passer du temps avec mon enfant. Quand on travaille beaucoup et quand on lance sa boîte, c’est beaucoup plus difficile ! Je le vois près de 12 heures par jour là. Je passe aussi du temps avec ma femme. On a le temps de faire des choses, qui, dans le train-train quotidien, ne se font pas.
Et d’un point de vue professionnel ?
Cette situation a été une opportunité pour Farmr. Comme nous travaillons dans le secteur agricole, média et internet, avec le ministère de l’agriculture qui a lancé un appel pour aider les agriculteurs manquant de main d’œuvre, nous avons pu lancer en avance un nouveau service, Farmr Jobs, dans lequel les citoyens de France ayant un peu de temps peuvent s’inscrire. Nous proposons ensuite ces candidatures aux agriculteurs. Cela permet de mettre en relation citoyens et agriculteurs et ça c’est formidable. Nous avons eu de bons relais presses, nous sommes contents. Après, travailler dans une chambre, aménagée un peu de bric et de broc me change, moi qui ai plutôt l’habitude de travailler dans un bureau avec mes collègues. Cela me donne le sentiment d’être un peu moins actif, moins productif….
Penses-tu que l’on puisse tirer des bénéfices au confinement ?
Je l’espère en tout cas ! Mais oui je pense qu’il y aura des bénéfices, dont un notamment, celui du rapport avec la nourriture. Que l’on soit proche ou loin du milieu agricole, il y a plein de gens qui se sont rendu compte du circuit nécessaire entre l’agriculteur, le transformateur, le distributeur. Cela donne envie de court-circuiter la grande distribution ou au moins de faire vivre les producteurs locaux. Avec cette crise, le focus est remis sur l’agriculture, ce qui est positif par rapport à l'”agri bashing” que l’on a pu connaître ces dernières années. Avec l’angoisse de manquer de nourriture, les citoyens reprennent conscience du travail et de l'investissement qu’il faut pour avoir ne serait ce que pour que Macdonald fonctionne correctement ou que les rayons de son supermarché soient pleins et variés. Derrière, des agriculteurs triment. Avec Farmr jobs, nous nous sommes aperçus que certains volontaires avaient cessé de travailler dans le champ au bout de deux jours, trouvant cela trop difficile, comme le ramassage d’asperges ou de fraises. Cela redonne de la valeur à la labeur nécessaire pour avoir chez soi une belle barquette de fraises. Une autre mode en ce moment est de faire soi-même son potager. Ce dont vont s’apercevoir les gens est la quantité nécessaire pour pouvoir nourrir une famille pendant un an, à savoir cultiver des fruits et des légume sur 100 mètres carré ! Je pense que ces prises de conscience vont perdurer. Et cela n’est que le volet nourriture...
Cette période va-t-elle favoriser l’accès au télétravail par la suite ?
Je pense que tout le raisonnement actuel qui se fait autour du télétravail est très important. Cela permet pour certains de travailler dans un environnement différent, de chez-soi, dans des lieux plus agréables. D’autres gagnent du temps sur leur transport, surtout ceux habitant dans des grandes villes. Il y a donc une vraie réflexion, qui était déjà en cours dans certains microsystèmes parisiens ou grosses boites modernes et qui gagnent les systèmes qui managent un peu à l’ancienne. Rappelons-nous quand même que beaucoup de métiers ne peuvent pas télétravailler. Je pense ici aux poissonniers, ostréiculteurs, jardiniers, agriculteurs pour qui la question ne se pose pas. Il est donc intéressant de voir les différents corps de métier, qui, au final, s’entrechoquent sur cette question du télétravail.
Peut-on envisager un “repeuplement” des villages ?
Nous l’avons vu, pendant le confinement, beaucoup de grosses villes se sont vidées. Les gens sont retourné chez leurs parents, ont retrouvé leurs maisons secondaires. Toutes ces personnes réalisent qu’elles ont la possibilité de travailler de tous ces endroits, qui sont pour eux à la base des lieux de villégiatures, de vacances, de repos. Une graine a été semée pendant le confinement...qui va faire naître une réflexion sur le long terme sur le choix de son lieu de travail et son organisation.
L’agriculture sur les toits de Paris, une vraie bonne idée ?
Oui ! C’est super si ça marche, si c’est durable, si c’est économiquement viable. Beaucoup de gens aujourd’hui se pose la question du sens de leur métier. Faire du miel sur les toits de Paris ? Il faut oser. Cela requiert de l’expérience et c’est un risque. Mais je trouve ça super et, dans les années à venir, nous allons sans doute voir plein d’autres exemples d'agriculture citadine qui vont fleurir. Avant le confinement, cette mouvance existait déjà. Cette période la renforce et pourrait la faire perdurer. A voir à suivre ?
Des leçons à tirer de cette période ?
De mon point de vue, un vrai constat est fait sur la nécessité de revenir aux choses simples de la vie. D’un point de vue de l'agriculture, les gens ont démontré un réel intérêt pour mieux comprendre comme celle-ci fonctionne, pourquoi ce secteur est essentiel à la France et qu’il faut le sauver plutôt que dénigrer. La réflexion sur le télétravail avance aussi et sur des nouveaux modes de travail qu’il est possible à présent de mettre en place, tout en gardant la performance. Enfin, cette nouvelle maladie, remet au premier plan l’importance de la santé et de la confiance à mettre dans la médecine dans les laboratoires, les vaccins….De grands concepts modernes sont ainsi chamboulés. Et c’est plutôt bien !
Pour finir, aurais-tu quelques conseils pour bien vivre cette période ?
Couper tout ce qui est informations...Nous sommes abreuvés d’informations, dans les transports, sur nos téléphones. Les journaux. J’essaie donc de les couper, afin de me recentrer sur ma vie personnelle, professionnelle, et revenir à des habitudes simples, moins anxiogènes. Je continue à beaucoup cuisiner, j’essaie de nouvelles recettes. Sans être H24 sur son ordi connecté, il est possible de continuer à bien travailler ! Passer du temps en famille, prendre des nouvelles des proches, voilà la recette !?
Propos recueillis par Juliette S.